En approchant du ghat par le Gange, on perçoit la "puissance mystique" de cette ville sacrée de l'Uttar Pradesh, au nord de l'Inde. Avec le sentiment d'être un peu voyeur, on comprend mieux la force de cette religion, mais aussi l'aspect serein des gens que l'on croise le long du fleuve.
Ici, la mort côtoie la vie avec la même simplicité. La ville attire avec cette incroyable force mystique qui en fait sa réputation. Pour un hindou, mourir à
Bénarès libère du cycle des réincarnations. Chaque jour 300 corps seraient brûlés à l'extrémité de la ville, au Manikarnika Ghat. Ce ghat des crémations relie le
Gange par de larges marches. De grosses barques y apportent le bois. D'énormes piles s'entassent, prêtes à bruler pour offrir aux défunts un ultime voyage. L'interdiction de photographier semble inutile à rappeler tant l'atmosphère inspire le respect. Seules les personnes de plus de 10 ans décédées de mort naturelle sont incinérées : les femmes enceintes, les morts de certaines maladies infectieuses ou par accident et les
saddhus suivent d'autres traditions.
Les "cheveux" de Shiva Bénarès doit sa sainteté à
Shiva, divinité hindou qui représente un aspect majeur de l'existence. C'est à
Manikarnika Ghat que le yogi aurait creusé un puits pour retrouver une boucle d'oreille perdue par son épouse Parvatti. C'est pourquoi le
lingam, pierre dressée qui symbolise la puissance créatrice de Shiva, est omniprésent dans la cité. La ville, probablement fondée au 7ème siècle avant JC, est un des centres urbains les plus anciens cités dans les épopées mythologiques du
Mahbharata et du
Ramayana. Au cours des siècles, elle fut détruite plusieurs fois par les musulmans ; la dernière par
Aurangzeb, souverain de l'empire moghol qui la renomma
Mohammadabab, puis elle passa sous contrôle anglais en 1775. Cette ville atypique, à la fois mystique et mythique, aujourd'hui surpeuplée et à la circulation anarchique, draine chaque année plusieurs millions de pèlerins. Elle est célèbre pour ses ghats, grands escaliers qui descendent vers le fleuve sur plusieurs kilomètres, exposés au soleil levant, où dès l'aube une foule de pèlerins vient pour se baigner et se purifier. Il faut venir en barque tôt le matin pour longer la rive et assister aux ablutions, rituels ancestraux séculaires. Le Gange, qui pour certains symbolise les cheveux de Shiva, aurait en effet une fonction purificatrice. On peut toutefois s'interroger en voyant la pollution de ce fleuve où les égouts déversent leurs immondices à quelques pas seulement!
Parfum d'encens ... et de friture! Changement d'ambiance et de décor, dans le Chowk, bazar aux ruelles colorées où il faut flâner, joyeux mélange des petites échoppes, de soieries lumineuses, et de boutiques de verroteries, statuettes, bijoux, et aliments. Des vaches parfois imposantes s'y promènent. Les bouses omniprésentes "parfument" l'air, se mêlant aux odeurs d'encens et de friture. Attention où on met ses pieds!
Dans le chowk principal se trouve le
temple de Vishvanath, ou Temple d'or, dont le dôme, couvert de 800 kilos du métal précieux, est interdit aux non hindouistes et fait l'objet d'une protection militaire. Plusieurs fois détruit et reconstruit au cours des siècles, il est censé contenir le lingam de Shiva. Bénarès compte de nombreux autres points d'intérêts, comme le
temple de Durga, bâtiment rouge reconstruit au 18ème siècle, situé au sud de la ville, où
"réside" la déesse Durga au visage vermillon. Un peu plus loin, le
temple de Sankat Mochan, ou temple des singes, est aussi l'un des plus importants de la ville. Ouvert aux non hindous, il abrite une grande cour où sont présents de nombreux singes. On peut également s'arrêter au
temple de Bharat Mata (la Mère Inde) où se trouve une représentation en marbre et en relief du pays.
Il faut savoir prendre le temps de s'approprier et d'aimer cette ville! A la tombée de la nuit il ne faut pas manquer la
cérémonie de l'Aarti, au
Dasasvamedha Ghat, pour se laisser emporter par une ambiance musicale envoutante. Des prêtres y conduisent le rituel de la lumière, dédié au Gange. Des milliers de petites bougies sont allumées et déposées sur le fleuve, avant d'être emportées par le courant. Après cette visite, on s'interroge. Pourquoi venir à Bénarès? L'environnement peut sembler hostile avec ses odeurs d'excréments ou de bouses de vache repoussantes, sa circulation est anarchique, et ses bâtiments décrépis. Mais cette ville ne laisse pas indifférent par sa forte atmosphère mystique. L'omniprésence de la mort est vécue ici comme une délivrance. Cette musique et cette ferveur du soir forcent à réfléchir sur son existence. On ressent alors une grande humilité qui donne envie ... de revenir.
Le premier sermon A une quinzaine de kilomètres au nord de Bénarès, se trouve
Sarnath, autre ville mystique. La cité est l'un des quatre lieux saints du Bouddhisme, avec Lumbini au Népal, Bodhgaya dans le Bihar, et Kusinagar en Uttar Pradesh. C'est ici que
Bouddha fit son premier sermon dans le parc aux daims.
L'empereur Ashoka, converti au bouddhisme, y fit construire de nombreux temples au 3ème siècle avant JC, mais ceux-ci furent détruits par les musulmans et la ville abandonnée jusqu'en 1836, année où elle fut redécouverte par les Anglais.
A l'emplacement de ce premier sermon, surnommé
"mise en mouvement de la roue du Dharma", se trouve aujourd'hui le
Stupa Dhamekh, construction massive en brique de 35 mètres de haut, dont la structure originale date du 3ème siècle. Les pèlerins bouddhistes en font le tour tout au long de la journée. Le site comporte aussi un musée intéressant, avec le célèbre chapiteau aux lions de la colonne de l'empereur Ashoka du 3ème siècle avant JC, devenu l'emblème du pays. La cité abrite aussi
l'arbre sacré Bodhi sous les branches duquel le
prince Siddartha a atteint l'illumination. Après l'ambiance extrême de Bénarès, Sarnath semble un havre de paix.
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