On atterrit en douceur sur Harris
L’avion se pose à Stornoway, ne laissant rien présager des belles surprises qui attendent le voyageur dans ce bout du monde perdu en mer au nord-ouest de l’Ecosse.
Mais patience ! Il est bon de s’initier en douceur au caractère sauvage de ces îles lointaines qui ont le gaélique comme langue officielle et un christianisme inflexible chevillé à l’âme. Sachez-le tout s’immobilise ici le dimanche.
Dans un pub sur le quai de ce port tranquille, ville principale des Hébrides extérieures, on prend la température de Harris et Lewis, ces deux îles jumelles reliées en fait par un isthme… L’occasion de goûter en introduction au plat emblématique, le haggis, ou pour mieux dire, la panse de brebis farcie, une recette incontournable quand on aime l’Ecosse !
Mystérieuse pierres levées sous le ciel changeant
Bien avant les Vikings, le site de Callanish témoigne d’une présence humaine au début du néolithique, environ 3000 ans av. J-C.
A une heure de Stornoway, la cinquantaine de pierres levées, plus anciennes que Stonehenge à en croire des préhistoriens, gardent la mémoire d’un cairn funéraire dont la beauté magique dans le soleil couchant face à la mer explique l’intérêt du site pour les adeptes du New Age ; ainsi que pour tout visiteur de passage qui vient s’y poser au crépuscule dans la lumière déclinante et changeante selon le passage des nuages et les éclaircies fulgurantes.
Intactes sont ces pierres et dans leur position initiale, telles que les fouilles de 1857 les ont exhumées de la tourbe qui les avait couvertes sous presque deux mètres pendant cinq millénaires.
Les Vikings, de redoutables conquérants
Quelques siècles plus tard les Vikings débarquent de leur Norvège natale et imposent leurs coutumes à une population déjà christianisée.
Pas faciles ces gaillards aux tresses blondes qui ne craignent que le tonnerre de Thor, le dieu de la guerre et de la foudre. Au village de Garenin, les Blackhouses, des maisons bien restaurées rappellent ces longues constructions scandinaves se protégeant des attaques par une seule ouverture et s’isolant du froid avec le chauffage animal du bétail. Sans bois sur ces landes sans forêts on fait avec les moyens du bord : ossatures de baleine en guise de charpentes, mottes de terre couvertes d’herbe pour les toits, tourbe noire pour la cheminée. D’où la couleur intérieure… Un étonnant jeu d’échecs du XII7 siècle, 78 pièces sculptées dans l’ivoire de morse et les dents de baleine, a été exhumé sur une côte de Lewis en 1831. Le même que celui avec lequel jouent Harry et Ron dans Harry Potter et la pierre philosophale. Bel hommage à cette époque lointaine. Et puis, un peu partout les toponymes aux consonances celtiques, comme Hébrides signifiant “les îles aux limites de la mer“, sont l’héritage de ces conquérants alors maîtres des îles.
Paysages de genèse ou d’apocalypse…
C’est surtout à Harris que s’enchaînent les panoramas sublimes de collines, de falaises escarpées et de tourbières, de bras de mer et de lacs salés égayés de bruyères et de genets.
De grâce, ne venez pas pour un ciel platement bleu car le soleil perçant les nuages entre deux ondées vous réserve des richesses autrement plus glorieuses quand la lande rousse s’enflamme et qu’une lumière baroque balaie le paysage. Ici et là, en été, la tourbe est mise à sécher en briques alignées pour 30% de la population qui fait ainsi des économies d’énergie dans la douce odeur âcre du foyer, chaque famille ayant sa parcelle attribuée.
Ce parfum on le retrouve aussi dans le whisky “pure“ ou “single malt“ de la Social Distillery de Tarbet, une noble institution locale qui a ouvert ses portes l’année dernière sous l’impulsion de Anderson Bakewell afin d’aider au développement économique de l’île et fixer la population en créant des emplois. Une visite passionnante pour tous les aficionados !
Le Harris Tweed, so trendy !
La styliste Viviane Westwood mais aussi Chanel et les couturiers japonais sont les meilleurs ambassadeurs du renouveau fashion de ce tissu de laine fabriqué sur l’île depuis des lustres et dont le côté très classique avait ralenti le succès.
La marque, rigoureusement labellisée, fête cette année son siècle d’existence et mérite qu’on y prête attention car elle est l’une des traditions les plus intéressantes de Harris et donne du travail aujourd’hui à 100 tisserands indépendants. La pure laine vierge des moutons écossais est apprêtée, teinte aux couleurs chaudes de la lande et filée par l’entortillement de plusieurs brins pour des effets très variés avant d’être envoyée aux artisans de l’île qui la tissent à la main sur leur métier à l’ancienne avant un retour à l’atelier pour finissage et contrôle de qualité. C’est ainsi que le Harris Tweed a de nouveau le vent en poupe avec sa multitude de couleurs vives, chaudes ou chatoyantes ! Même Nike l’a adopté, c’est dire !
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