Gastronomie

Fêtes de fin d’année : La ruée vers l’huître…

Consommées depuis l’Antiquité, réputées pour leurs vertus médicales et aphrodisiaques, les huîtres n’en finissent plus de nous étonner et de recomposer la palette de nos saveurs. Qu'elles soient creuses ou plates, naturellement iodées ou rehaussées d’un sabayon légèrement tiédi, elles seront comme souvent en cette fin d’année, les véritables reines de la fête. Pour vous aider à bien choisir vos coquilles préférées, je vous propose un petit tour d’horizon des meilleurs crus de France…

Reportage et photos David Raynal



Cancale est l'une des grandes capitales de l'huître.
« En automne, j’associe les huîtres avec les repousses de blettes marines. Je les retravaille avec le sarrasin à la fois bouilli et soufflé en les agrémentant d’un mélange de coriandre, de cumin et de poivre berbère. J’aime unir l’huître à ces épices, mais aussi à la graine de sarrasin qui a permis au peuple breton de survivre pendant des siècles » me confiait dernièrement avec gourmandise, Olivier Roellinger, le fameux chef de cuisine installé à Cancale passé maître dans l’art d’accomoder les produits de la mer avec les épices lointaines. Cancale, capitale de l’huître s’il en est, accrochée côté breton aux derniers soubresauts granitiques de la baie du Mont-Saint-Michel.


Ramassage des huîtres au petit matin dans la baie du Mont Saint-Michel sur un bateau à roues.
François 1er friand de coquillages !

Elle doit justement son titre de « ville » octroyée en 1545 par François 1er,  grâce aux exceptionnelles propriétés gustatives de ses coquillages. Une saveur prononcée d’iode et de sel, un délicieux arrière goût de noisette ont fini par bâtir leur solide réputation.  Qu'elles se nomment Cancale, Marennes, Belon, Malpèque, Claire...les huîtres sont des mollusques bivalves qui se répartissent en trois genres selon leur lieu de résidence ou leur degré d'affinage. Ostrea, pour l'huître plate (belon, cancale ou marenne), distribuée sur les côtes d'Europe occidentale ; Crassostrea, pour l’huître creuse qui regroupe les portugaises, japonaises et la plupart des huîtres américaines ; et enfin, Pycnodonta, pour l'huître cuillère fréquemment pêchée mais non cultivée des côtes du Sénégal à la Grande-Bretagne.
 

Les fameuses "plates" de Cancale
Douze grands crus de Bretagne
 
Les rivages de France sont un paradis pour les nombreux amateurs d’huîtres. Rien qu’en Bretagne, il existe douze grands crus principaux qui se partagent aujourd’hui les faveurs des consommateurs. Ne revenons pas sur La Cancale et attachons-nous plutôt à La Paimpol, huître du grand large, trapue et charpentée sans être écoeurante. L'huître de la rivière de Tréguier, particulièrement riche en plancton marin, a un parfum un peu végétal alors que  l'huître de Morlaix-Penzé,  nourrie entre la rivière Penzé et celle de Morlaix, a un goût un peu boisé. C'est dans l'estuaire des rivières où les eaux douces font leur jonction avec les marées que profite l’huître dite « Rade de Brest » dont la chair est étonnamment fondante. L'huître nacre des Abers, Aber Wrac'h et Aber Benoît, grossit dans un mélange de courants marins et de ruisseaux d'eau douce qui lui confère une saveur bien particulière. Inutile d’épiloguer sur l'huître Aven-Belon  qui obtient cette appellation suite à son affinage en ces eaux mi-douces mi-salées. L'huître de la rivière d'Etel qui pousse dans une véritable ria intérieure est appréciée par ceux qui les aiment légèrement doucereuses. L'huître de Quiberon s’est adaptée à une eau parfaitement typée, riche en algues et en plancton, offrant un bel équilibre entre tonicité et subtilité. L’huître Golfe du Morbihan, authentique « petite mer intérieure » traversée en permanence par de violents courants, a depuis longtemps la préférence des gourmets exigeants. L'huître Pernef, qui se plaît sur les parcs des replis de la ria marine possède un parfum et une texture proche de l'huître du Croisic. Bien que dénommées huîtres de la Baie de Bourgneuf "Vendée-Atlantique » depuis 1992, les huîtres creuses de ce site élevées et affinées en bassins sont bien bretonnes, non seulement parce qu’elles poussent en Loire-Atlantique (Bretagne historique) mais aussi parce qu’elles ont un sacré caractère !
 

Les huîtres corses de l'étang de Diane
 Nustrale di Diana
 
Et le reste de la France me direz-vous ! Les trois quarts des huîtres françaises commercialisées pendant les fêtes proviennent du bassin charentais-maritime. Notre pays fort d’une production annuelle d’environ 140 000 tonnes est aussi le champion de la diversité ostréicole. Saint-Vaast en Normandie, Marennes-Oléron en Charente-Maritime, Arcachon en Gironde, Bouzigues de Thau en méditerranée inscrivent désormais leurs noms en lettres de nacre sur les registres de nos terroirs maritimes. Et comment ne pas évoquer de l’autre côté de la Méditerranée les merveilleuses huîtres corses des étangs de Diane et d’Urbino ? Sous l’Antiquité, l’huître de Diana ( la Nustrale di Diana) était déjà très prisée des Romains qui l’exportaient dans de la saumure vers le continent. Elle est le fruit d’un savoir faire spécifique et de l’exceptionnelle richesse nutritive de l’étang. Captées et élevées sur des cordelettes, la température de l’eau est tellement douce, voire chaude en été, que les huîtres poussent ici deux fois plus vite qu’ailleurs. La qualité des eaux, l’absence totale d’industries polluantes à proximité ont petit à petit fait de l’huître corse un produit nature par excellence. Pendant longtemps, les huîtres furent simplement prélevées sur les bancs à l’état sauvage.


Cancale, parc à huîtres
La sauvegarde du précieux mollusque

Il faudra attendre le milieu du 19e siècle pour qu'on jette les bases de l’ostréiculture moderne. En 1854, Victor Coste, un éminent zoologiste professeur au Collège de France installe les premiers parcs d’élevage dans le bassin d’Arcachon et la baie de Saint-Brieuc. C’est à cette époque, sans doute pour la sauvegarde de notre précieux mollusque, que se propage la croyance devenue coutume des mois sans r. Celle-ci veut que durant les mois d’été, les huîtres devenues laiteuses soient considérées comme inconsommables. Aujourd’hui, l’ostréiculteur est devenu un moissonneur de la mer assujetti aux marées et aux saisons. Il capte le naissain (à 3 ou 4 semaines), prélèvent quelques mois plus tard les petites huîtres, les installent dans les parcs, lutte contre les prédateurs, affine, lave, calibre, acclimate, expédie…Autant de gestes  récurrents et de délicates attentions journalières pour que nos huîtres continuent d’être en cette fin d’année 2011 les perles de la fête !      
 
D.R.

Le Cancalien est un instrument specialement conçu pour ouvrir les huîtres plates

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Drague sur un bateau ostréicole.


15/12/2011
David Raynal




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