Reportage

Mexique : Au pays du serpent à plumes

A l’écart des Mayas et des Aztèques, loin des plages fréquentées, un autre Mexique, celui du nord, vous réserve bien des surprises. Les richesses de Durango, Zacatecas et San Luis Potosi témoignent encore de la ruée des Espagnols vers les mines d’argent et dans les vastes espaces sauvages, villes et villages ont gardé vivantes les traditions d’antan.

Reportage Catherine Gary



Dans l’état de Durango, le temps semble s’être arrêté. Les familles indiennes ont gardé leurs traditions et leurs costumes, les villages se cachent sur fond de sites grandioses et sauvages. On dirait le Far West. Pas surprenant si les cinéastes ont dégoté à l’époque ces décors de canyons et de plaines désertiques semés de cactus et de yuccas géants. Et cette lumière limpide, idéale pour la mise en scène des espaces désertiques.

Par contre, les cow-boys ici s’appellent charros. Toujours à cheval, coiffés du chapeau à larges bords qui les protége du soleil, ils portent fièrement bottes et harnais… Mais depuis l’expropriation des grands ranchs, ils se sont reconvertis dans l’art du lancer de lasso et du rodéo. Côté “chevauchée fantastique“, le mythe est là : c’est à Durango qu’est né Pancho Vila, héros de la révolution mexicaine ! Un sacré cavalier celui-là, plutôt musclé, dont la statue vous accueille à l’entrée de la ville de Durango.

Au Palais du gouvernement, les fresques de Diego Rivera, aussi fameux ici que sa femme Frida Kahlo - rappellent l’époque héroïque de la lutte pour la liberté. On y voit, entre autres, les Indiens ployer sous la charge des wagonnets dans les mines d’or et d’argent. Une histoire épique dont sont fiers les gens d’ici. Les temps évidemment ont changé. Partout on restaure dans les villes, on refait une beauté aux maisons décrépies et aux monuments.

A Durango, Zacatecas et San Luis Potosi, les cathédrales baroques veillent sur les places : colonnes droites et torses, surcharge de rosaces et de pierres sculptées, niches où veillent des dizaines de statues de saints et symboles anciens de cultes indiens. Dans les jardins rafraîchis par les fontaines, le kiosque en fer forgé est souvent le perchoir aux pigeons. Un bruissement d’ailes qui ne dérange pas les cireurs de chaussures, les vendeurs de glaces et de tacos, les marchands de ballons et quelques vieux à moustache devisant à l’ombre sur des bancs. La vie quotidienne se déroule paisiblement.

A la frontière de l’état de Zacatecas, l’époustouflante Sierra de los Organos dresse à 2 400 mètres de haut ses cheminées géantes sculptées par l’érosion dans une pierre rouge et rose. Encore un décor naturel de ciné. Un sentier serpente entre ces hautes formes hallucinantes où vivent coyotes, lynx et sangliers, sous l’œil perçant des aigles. Une randonnée sans danger d’une époustouflante beauté.


Zacatecas, classée au patrimoine mondial par l’Unesco

Commencez par grimper à 2667 mètres, au Cerro de la Bufa, la colline creusée de kilomètres de galeries qui surplombe la ville. 51% de la production d’argent vient des mines de la région. Quelques indiennes Huitzols aux robes bariolées sont accroupies parmi leurs colifichets colorés. La mine de l’Eden, désaffectée, se visite. Un voyage au centre de la terre sur 2 km dans ce qui fut un enfer pour les Indiens. Mortalité moyenne à l’époque, 35 ans… A l’intérieur, une petite chapelle, des ex-voto. Du sommet du téléphérique on découvre les monuments d’époque coloniale. Les palais et les maisons de maître alternent avec les églises et les couvents : un patrimoine exceptionnel, heureusement préservé dans cette région isolée. Le centre se découvre à pied. Franchissez au hasard les lourdes portes sculptées pour pénétrer dans les patios ornés de solides colonnes de grès. Au centre, un jardin parfumé ou des chaises pour s’installer au frais. Tout un art de vivre où Andalousie et Altiplano ont mêlé leurs secrets dans le raffinement et la rusticité. De même pour la cuisine où se mèlent aux saveurs pimentées l’incroyable diversité des sauces, des tacos et des gorditas, ces pains de maïs fourrés. La nuit, tous les monuments sont illuminés. Il faut voir la façade de la cathédrale et sa profusion de décors sculptés. Ne manquez pas le concert du jeudi sur la petite place près de l’ancien marché dans une ambiance chaleureuse de fanfare. La ville est aussi réputée pour sa vie artistique et ses nombreux musées. En particulier pour sa collection de 10 000 masques mexicains, rassemblée entre les murs d’un couvent. Une belle balade.

La résistance des Indiens Huichols

Réfugiés à l’époque espagnole dans la Sierra Madre occidentale, ils cultivent toujours le maïs, la courge et les haricots, vivent de la chasse et de la pêche et font partie de ces derniers peuples indiens à résister encore à la civilisation. Leurs contacts avec l’extérieur se résument à la vente de leur bétail et de leur artisanat, des blouses brodées et des petits bijoux en perles très colorés. Si vous faites mine de les photographier, ils fuient votre regard …

Difficile d’en savoir plus sur ces grands consommateurs de Peyolt, un cactus hallucinogène qui trompe la fatigue et la faim mais surtout les transporte sur une autre planète. Ce qui donne lieu à des rites mystérieux pour le profane. Et très secrets. C’est leur façon à eux d’entrer en contact avec les dieux. Une fois l’an, après purifications, ils s’acheminent vers le désert de San Luis Potosi pour la récolter de cette plante sacrée. Pas moins de 500 kilomètres à pied.

A l’arrivée, le chaman guérit les malades et fait ses prédictions. Puis c’est la consommation rituelle à laquelle participent femmes et enfants. Le peyotl récolté sera de nouveau absorbé au moment des semailles, des récoltes et de la chasse au cerf… Le gouvernement tente d’intégrer les Huichols à la vie du pays. Pas facile compte tenu de leur isolement dans la montagne. Certains parlent aujourd’hui l’espagnol, s’habillent à l’occidentale et apprennent les rudiments scolaires. Au détriment sans doute de leur culture d’origine.

Le Mezcal, une boisson explosive

Ne pas confondre avec la mescaline, un alcaloïde hallucinogène issu du peyotl ! Le mezcal est l’alcool produit et consommé dans les trois états de Durango, Zacatecas et San Luis Potosi, ainsi qu’en Oaxaca.

On le fabrique avec l’agave magey. Longtemps les Indiens ont prélevé sa pulpe pour en faire une boisson fermentée, le pulque.

Les Espagnols, astucieux, distillèrent le breuvage, le transformant en un alcool à 38° qui se boit traditionnellement dans un petit verre accompagné de sel et de citron vert ; de préférence après la chaleur de la journée… La fabrication est souvent familiale et artisanale.

On prépare sous terre un foyer en forme de cône alimenté par du bois. Les cœurs d’agave, protégés par un linge, cuisent à l’étouffée durant 3 jours puis sont écrasés pour en extraire le jus qui sera ensuite distillé.

Le Far West à Villa del Oeste

A 12km de Durango, dans les anciens décors qui ont servi au tournage de westerns avec, entre autres, Anthony Quinn, Charles Bronson et même Ringo, une vingtaine de jeunes bénévoles investissent les lieux chaque week-end pour un spectacle où shérif, cow-boys, indiens et danseuses de French cancan font revivre le mythe de l’Ouest américain.

John Wayne en personne acheta à quelques kilomètres de là un ranch de 1200 hectares, La Joya, où se tournèrent quelques autres films du genre. Dans une ambiance nostalgique restent les épaves d’un wagon sur rails et de sa gare, l’indispensable banque, le saloon et les décors plus récents d’un village vite monté pour le film Las Bendidas avec la belle Pénélope Cruz Star.

La ville fantôme de Real de Catorce

La magie commence à l’entrée du tunnel de 2km, seul accès vers cet ancien village de mineurs presque abandonné qui eut son heure de gloire du XVIIIè siècle à le fermeture des mines d’argent en 1910. Il se trouve dans une des régions les plus hautes de l’altiplano central et offre des points de vue impressionnants sur les montagnes environnantes. L’église Saint François d’Assise demeure un lieu de pèlerinage très fréquenté. Ses murs sont couverts d’ex-voto émouvants peints par les mineurs. C’est sur les pentes environnantes que les Indiens Huichols viennent récolter leur peyotl une fois l’an.
Accès : 239km depuis San Luis Potosi. Les 40 derniers kilomètres de déserts sont étonnants.


Infos pratiques

Contact :
Centre de Promotion du Tourisme Mexicain (CPTM)
4, rue Notre-Dame des Victoires, 75002 Paris.
www.visitmexico.com. Tél. : 00 800 11 11 22 66

Pour vous y rendre :
 Aero Mexico propose 2 vols directs par jour depuis Paris.
www.aeromexico.com


15/05/2011
Catherine Gary




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