Reportage

Villeneuve les Avignon, dressée sur l’autre rive…

Discrète face à la Cité des papes…, le destin de cette ville tranquille n’en fut pas moins prospère. On y admire toujours sa Chartreuse devenue Centre national des écritures du spectacle et ses anciens palais cardinalices. On y grimpe aussi vers la colline pour la vue et l’étonnante forteresse.

Par Catherine Gary



Vue générale sur Villeneuve Les Avignon @ C.Gary
Si vers l’an 1000 les Bénédictins installent leur abbaye Saint-André dans la solitude du mont Andaon, trois siècles plus tard tout se trouve chamboulé avec l’arrivée des papes en Avignon. Mais les moines entre temps ont fait fructifier leurs domaines, les transformant en une puissance foncière dotée de prieurés tandis que les abbés sont devenus par la grâce des comtes de Toulouse grands seigneurs et propriétaires… 

De gauche à droite : Tour Phillipe le Bel-La Chartreuse et Fort St André -La Chartreuse. © Alex Nollet
Du haut de ces murailles, Philippe le Bel affirme sa souveraineté
 
Au XIVè siècle, sous Philippe le Bel, l’ambiance change du tout au tout : la ville, rattachée au royaume de France, trouve face à elle le fief du royaume de Naples, Avignon alors en plein essor.

Le village tranquillement niché au pied de son abbaye va devoir se défendre. D’autant que Jeanne, reine de Naples, a cédé sa ville au pape Clément IV alors que la papauté s’enorgueillit déjà du Comtat Venaissin. Le roi de France décide de renforcer ses frontières face à cette menace de l’autre côté du pont qui sera bientôt, comme on sait, emporté par les flots tumultueux du Rhône. Il érige une forteresse en haut de la colline et la tour, dite de Philippe le Bel, qui semble toujours défier sa rivale sur la berge opposée. Néanmoins il n’y aura pas d’assauts guerriers durant les 70 ans de résidence papale. Au contraire, Villeneuve les Avignon devient, à l’écart des intrigues de la capitale papale, le lieu de villégiature des cardinaux qui y font construire de somptueux palais…

Cloître dans la Chartreuse-la Chartreuse © Alex Nollet

De gauche à droite : Exposition de photos; Couloir menant aux chambres monacales © O.T. Villeneuve les Avignon
Le Centre national des écritures du spectacle au cœur de la vieille Chartreuse

Pas étonnant qu’à deux pas d’un des plus grands festivals de spectacle vivant la nouvelle vocation de ces lieux se soit tournée vers l’écriture de théâtre.

C’est ainsi que l’ont voulu en 1973, après rachat du monument par l’Etat, le ministère de la Culture et la Caisse nationale des monuments historique et des sites. D’abord dédiée à l’accueil d’artistes en résidence durant les longues années de sa restauration, la Chartreuse accueille depuis 1990 des auteurs, des compagnies, des laboratoires de recherche et des cycles de formation dans les différents domaines dramaturgiques. Un foisonnement créatif avec près de 150 auteurs et de nombreux artistes accueillis chaque année dont certains peuvent s’exprimer lors des Rencontres d’été organisées par Catherine Dan, la directrice de ces lieux emblématiques.

Notons le travail sur place à l’époque de Gérard Philippe, de Patrice Chéreau, puis de Carolyn Carlson, de Didier Besace et de bien d’autres… A l’occasion de certains événements, en partenariat notamment avec le Festival d’Avignon, il est possible d’y assister aux répétitions et à quelques représentations.

Fresques italiennes dans la chapelle de la Chartreuse -La Chartreuse © Alex Nollet
Un monastère voulu par le pape Innocent VI
 
C’est ainsi que le lien entre les deux villes se perpétue à des siècles de distance dans un souci d’excellence scénique et littéraire.


Mais le silence qui règne en ces lieux et les vestiges de celle qui fut une des plus grandes Chartreuses de France restent néanmoins fidèles à l’aura spirituelle qui a prévalu dès son origine, en 1352, quand le cardinal Etienne Aubert établit sa villégiature à Villeneuve les Avignon avec salle de consistoire et chapelle ornée de fresques à l’Italienne.  Devenu pape, Innocent VI y crée une communauté monastique de Chartreux transformant son domaine en un palais-monastère qui sera au XVIIe siècle le plus riche de France… avant de succomber aux assauts des révolutionnaires. On découvre librement ou avec guide cet ensemble exceptionnel : portail de clôture monumental, succession de cloîtres, cellules monastiques, chapelle avec fresques de Matteo Giovannetti, église dont le chœur effondré délivre une vue sur la forteresse, tombeau du pape Innocent VI que Mérimée au XIXe siècle réussit à sauvegarder d’une démolition certaine.
 
 

Jardins de l-abbaye Saint André La Chartreuse © A.Nollet

De gauche à droite : Jardins de l'abbaye Saint-André -La Chartreuse et Le couronnement de la Vierge de Enguerrand Quarton au musée Pierre de Luxembourg -La Chartreuse © A.Nollet
Au fort Saint-André, on mesure l’évolution des lieux, la beauté des jardins et la vue sur la plaine du Rhône
 
Le temps a passé sur les pierres et après le départ des papes, Villeneuve les Avignon s’assoupit au point d’en être presque oubliée.

Mais les murailles ont gardé les mâchicoulis qui couronnent les tours et le passage bien défendu par l’ancien tir croisé des deux tours d’entrée. L’occasion à ne pas manquer d’une balade revigorante à l’intérieur de ces hauts murs et dans les vestiges du petit bourg, après la montée à pied qui délivre un panorama en technicolor sur Avignon, le mont Ventoux, les Alpilles et la plaine du Rhône ! L’abbaye Saint-André n’a pas résisté aux aléas de l’histoire. Reconstruite et agrandie au XVIIIe siècle par les Mauristes puis à nouveau en partie démolie sous la Révolution, il en subsiste un bâtiment ouvert à la visite et un double jardin “Remarquable“, l’un à l’italienne et l’autre méditerranéen ; les deux tardivement aménagés par les propriétaires successifs et dont le charme donne envie de s’attarder pour la belle lumière qui les dore en fin de soirée. En redescendant dans la cité entre les façades des anciens palais des cardinaux on s’arrête dans celui de Pierre-de-Luxembourg devenu musée de la ville pour y admirer le chef d’œuvre d’Enguerrand Quarton, le Couronnement de la Vierge parmi d’autres merveilles de Philippe de Champaigne et de Nicolas Mignard.

Zoom sur Avignon depuis la terrasse du Fort Saint-André .© C.Gary

En haut : La Chartreuse @ Wikipedia; Plaque commémorative; Petit déjeuner dans le jardin de l'Hôtel de l'Atelier @ C.Gary
Plus d’infos
 
Visiter les monuments et musées :
La Chartreuse est ouverte en septembre de 9h30 à 18h30, d’octobre à décembre de 10h à 17h. Tarif : 8 euros.

http://chartreuse.org
Le Fort Saint-André est ouvert jusqu’à fin octobre de 10h à 17h
Tarif incluant expositions temporaires et jardins : 7 euros

www.abbayesaintandre.fr
Le musée Pierre de Luxembourg est ouvert de 10h à 12h30 et de 14h à 18h. Tarif : 3,20 euros
Tél. : 04 66 90 75 80
(Billet commun : Fort Saint-André, Chartreuse, Abbaye Saint-André, Tour Philippe le Bel et Musée Pierre de Luxembourg : 17 euros, valable un an).
Dormir :
Hôtel de l’Atelier. Dans une belle demeure ancienne aux multiples recoins, en cœur de la vieille ville, chambres de charme, jardin fleuri entre les hauts murs, bon accueil et délicieux petit-déjeuner.
Tarif : de 69 à 133 euros. Petit déjeuner : 9,50 euros.
Se régaler :
Gelateria de Mamio : Excellents sorbets et glaces, généreusement servis. Un régal !
48 bis rue de la République. Tél. : 04 90 01 95 49

Marché provençal tous les jeudis 
Festival “Villeneuve en scène“  en juillet dédié aux théâtres itinérants en partenariat avec le 
Festival d'Avignon .
 


15/09/2018
Catherine Gary




Dans la même rubrique :