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Reportage

Pas de Calais, Carnaval de Dunkerque: Entrez dans la bande !

De janvier à avril, la région Dunkerque fête ses racines et vit au rythme du carnaval. Chaque année, 40 000 mastars grimés et emperruqués se donnent rendez-vous les jours qui précèdent le mardi gras dans la ville de Jean Bart, pour un lâché de harengs glorieux et débridé place de l’hôtel de ville.

Reportage et photos David Raynal



Viens jouer avec mon wiche !
Viens jouer avec mon wiche !
Tiens bon d’sus, gare à tes techt’ches*, viens jouer avec mon wiche* : à l’approche du rigodon final les carnavaleux de Dunkerque soignent leur langage. C’est qu’il en faut du courage pour affronter les Trois Glorieuses, dimanche, lundi et mardi gras. Trois jours et surtout trois longues nuits d’agapes ininterrompues pendant lesquels la fête atteint son paroxysme et qui marquent le point culminant du carnaval. Dans un délire collectif et orgiaque, quelque 40 000 mastars en bas résilles se rassemblent pour former les fameuses bandes de Dunkerque, de la Citadelle et de Rosendaël. En rangs, côte à côte en première ligne, les gros bras, qui ont pour certains plusieurs dizaines de carnavals au compteur, organisent et contiennent les chahuts. Leur rôle est de bloquer et de retenir les deuxièmes lignes tandis que des milliers de participants déchaînés poussent et sautent tant qu’ils peuvent, en vociférant par derrière. Pendant ce temps, certains carnavaleux préfèrent se désolidariser du groupe. Ils s’en vont joyeusement au son des fifres et des cuivres à l’assaut des chapelles (maisons dans lesquelles des Dunkerquois invitent les carnavaleux à se restaurer). Parmi la foule bigarrée, des hommes bien sûr, braillards et gueulards d’avant, mais aussi des femmes, moins nombreuses, généreuses et gouailleuses.Tous sont venus dans un tintamarre de couleurs, mettre à feu et sang la ville de Dunkerque, sous la silhouette impassible de la gloire maritime locale, Jean Bart (1650 -1702), intrépide corsaire sous Louis XIV et grand pourfendeur de frégates anglaises devant l’éternel.
 

Défilé de haute biture
Défilé de haute biture
Chahut les copains
 Les origines du carnaval de Dunkerque remonteraient au 17e siècle. A l’époque, les armateurs offraient une fête (avance sur salaire et festin), la veille du départ aux marins qui s’embarquaient pour la pêche à Islande. Cette fête, ou plutôt cette beuverie organisée était censée conjurer l’isolement, les privations et les craintes de naufrage qui accompagnaient une campagne morutière qui durait alors plus de six mois. Un jour, le départ pour l’Islande coïncida avec la célébration des jours gras qui annonçait le début du carême. Les marins se sont alors parés de masques et de déguisements pour participer aux réjouissances. La Vissherbende, bande de pêcheurs en flamand, langue parlée à l’époque dans toute la région de Dunkerque, était née.
Après un passage à vide au début du 20ème siècle, le carnaval de Dunkerque revient depuis quelques années en force (on se souvient du film de Thomas Vincent intitulé Karnaval). Il attire aujourd’hui toute une population qui voit dans la fête l’un des meilleurs moyens de renouer avec les racines joviales et festives du Nord.
 
 

Les carnavaleux dopés à l'huile de foie de morue
Les carnavaleux dopés à l'huile de foie de morue
Les harengs sortent !
 
Les élus ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Au crépuscule du dernier jour de liesse qui marque la fin programmée des Trois Glorieuses (cette année les 19, 20 et 21 février), Michel Delebarre, le maire de Dunkerque a coutume d’haranguer la foule. Du haut de son balcon de l’hôtel de ville, il jette à la marée humaine montante, plusieurs centaines de kilos de harengs, klippers, et autres homards en plastiques. Les travestis d’un soir n’ont qu’à bien se tenir ! Ils ont tout juste le temps d’ouvrir leurs grands parapluies (pépins) afin d’éviter que ces poissons volants ne leur chatouillent le nez ou les oreilles. Dopés à l’huile de foie de morue, les masquelours* entament une dernière sarabande, dos contre ventre, dans un enchevêtrement inextricable de guêpières fatiguées et de porte-jarretelles distendus.C’est ce qu'on appelle le rigodon final, moment de symbiose parfaite où la compression des corps est telle, qu’elle dégage un nuage de vapeur au dessus de la mêlée luisante. Bientôt les bandes poisseuses et rieuses se pressent autour du kiosque pour entonner à gorge déployée la Cantate à Jean Bart, l’hymne du carnaval, qui rend une dernière fois hommage au héros de la ville. Le rimmel coule sur les joues rebondies des lascars de Dunkerque. N’allez pourtant pas croire qu’il s’agisse de larmes de tristesse. Dès la semaine prochaine, on remet ça, tous ensemble, riches et pauvres, patrons et ouvriers, hommes et femmes, foi de tambour-major*.
«A Carnaval on est là pour s’amuser, au carnaval, on est pas là pour casser. Si tu veux que carnaval se passe bien, prends-toi en main, gamin !»
Ames sensibles accourir…

D.R.
 

Le carnaval en famille
Le carnaval en famille
Pour en savoir plus :
Visitez le site officiel de la ville de Dunkerque : http://www.ville-dunkerque.fr/
Sur le Carnaval :
http://www.ville-dunkerque.fr/fr/je-vis-adunkerque/carnaval-dunkerque/index.html
A voir :
Karnaval, film français de Thomas Vincent
(1998). Comédie dramatique.
Durée : 1h 28mn.
Lexique du Carnaval :
 * Têt'che :
Sein. On le retrouve dans la chanson "Avec la femme à Neche, on a bien rigolé, on a sucé ses têt'ches, on a bu tout son lait". Le carnaval est une fête populaire et grivoise.
 * Wiche :
Sexe masculin. Parfois coquin, le carnaval chante "viens jouer avec mon wiche, cinq minutes, c'est pas longtemps et mon wiche y s'ra content".
 * Masquelour :
Carnavaleux qui fait la bande
 

Lancé de harengs sur les carnavaleux
Lancé de harengs sur les carnavaleux


21/02/2012
David Raynal





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