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Reportage

Le bonheur est au marais

Connu des seuls amateurs, le Marais audomarois, dernier marais maraîcher de France, est un lieu d’exception remarquable par sa biodiversité, véritable hommage à l’homme qui a su mettre ses terres en valeur.

Par André Degon



Marais Gillers @ André Degon
Marais Gillers @ André Degon
Qui connait le Marais audomarois, cette région, au nord de Saint-Omer où terre et eau se mélangent ? Pas vraiment glamour le nord ? 

Pourtant, à la frontière de l’Artois au sud et de la Flandre au nord, cette étendue de 3700 hectares sillonnée de 760 kilomètres de watergangs* est un endroit unique, secret et difficile d’accès.  Tout  commence en  650,  lorsque le « bon » roi Dagobert envoie quatre bénédictins christianiser  le nord du royaume. Audomar (Omer), Bertin, Momelin et Ebertram s’installent sur une butte isolée par les marécages. Et ils font ce que fait tout moine dans une nature hostile : ils défrichent et arrachent la terre à l’eau pour rendre le sol cultivable au pied de ce mont qui deviendra Saint-Omer. Plus tard, au XIIe siècle, la canalisation des eaux de l’Aa - rivière bien connue des cruciverbistes – transforme la cité en un véritable port de mer. Saint-Omer, réputée pour ses draperies, ses faïences et ses brasseries, devient l’une des sept grandes villes de Flandre.
 

Légumes du marais @ André Degon
Légumes du marais @ André Degon

Méthode hollandaise

Du XVe au XIXe siècle, la conquête du marais continue, par poldérisation selon la méthode hollandaise, au nord, vers Saint-Momelin, jusqu’aux « montagnes » de Watten et d’Eperlecques qui enserrent le cours de l’Aa avant la plaine maritime.  Maillage de fossés parallèles donnant sur des canaux collecteurs qui délimitent des lègres*, digues, vannes, moulins de pompage, tout le Marais audomarois vit et fonctionne grâce à l’ingéniosité de l’homme qui a su mettre en valeur ses terres enrichies du limon de l’Aa, rivière nourricière. A Saint-Omer, le marais, c’est d’abord une tradition agricole, pastorale et maraîchère. C’est le dernier marais cultivé de France - il suffit de se rendre dans le Marais poitevin pour voir le désastre qu’ont engendré les remembrements de cette superbe zone humide -. Plus de cinquante légumes sont cultivés par une soixantaine de familles qui exploitent près de 500 hectares de terres.
 

Les pêcheurs du marais à bord de leurs escutes @ André Degon
Les pêcheurs du marais à bord de leurs escutes @ André Degon

Des paysagistes

Comme les agriculteurs de montagne, les maraîchers de l’Audomarois sont aussi des paysagistes qui entretiennent leur territoire : curage des canaux, réfection des berges. Un travail sur l’environnement qui doit être pris en compte par les pouvoirs publics.
Au-delà du marais communal, celui des maraîchers, commence à l’est la partie flamande. On la découvre uniquement avec des bateliers, au départ de Nieurlet, à bord d’escutes* traditionnelles. Rémy les connaît bien ces barques, à 21 ans, il a succédé à  son grand-oncle, Gérard Colin, le dernier « faiseur » de bateaux du marais. Avec un diplôme de charpentier de marine en poche, depuis six ans, il construit et répare dans la tradition. « Je respecte le savoir-faire des anciens. Mes bateaux sont construits avec les chênes de la forêt de Clairmarais - ces arbres qui ont grandi les pieds dans l’eau -  des clous forgés, du goudron de Norvège, cette sève de pin brulé qui nourrit le bois, et des joints en étoupe. Pas question d’utiliser le silicone ».
 

C’est le paradis des pêcheurs et des colverts qui se disputent un territoire avec les bécassines pendant que les poules d’eau empruntent les feuilles de nénuphars blancs pour se déplacer à pied sec @ André Degon
C’est le paradis des pêcheurs et des colverts qui se disputent un territoire avec les bécassines pendant que les poules d’eau empruntent les feuilles de nénuphars blancs pour se déplacer à pied sec @ André Degon

Paradis des colverts

Alors forcément les bateaux de Rémy Colin n’ont rien à voir avec une quelconque barque en plastique. A la ruie*, l’escute fend les eaux calmes du Zieux avec pour seul bruit, celui de la perche qui s’enfonce dans la vase pour pousser. Mais attention de ne pas réveiller Marie-Grauette, la sorcière qui hante les marais et attire au fonds de l’eau les enfants désobéissants.  A bâbord, la Flandre avec les hauteurs de Noordpeene, à tribord l’Artois et la commune de Clairmarais. Dans cette cuvette, le marais est moins ordonné, plus sauvage. C’est le paradis des colverts qui se disputent un territoire avec les bécassines pendant que les poules d’eau empruntent les feuilles de nénuphars blancs pour se déplacer à pied sec. Sur les prairies humides, les bœufs charolais copinent avec les vaches Highland et entretiennent l’écosystème. Dans cette zone, pas de touristes. Sous l’œil vigilant des grands cormorans, quelques pêcheurs viennent taquiner les poissons carnassiers comme le brochet et le sandre ou les poissons blancs tels la carpe ou la tanche.
 

Savoir résister pour mieux protéger le héron cendré @ André Degon
Savoir résister pour mieux protéger le héron cendré @ André Degon

Alchimie du marais

Alors tout est idyllique dans l’Audomarois ? Les zones humides sont des territoires complexes et fragiles. La pression forte du tourisme, la dégradation du réseau de fossés, la progression des friches, la diminution des maraîchers ont entraîné la mobilisation des élus des quinze communes du marais en 2000 et la création d’un groupe de travail pour la sauvegarde de cette zone unique. Car il s’agit avant tout de préserver la précieuse alchimie du marais. Savoir résister aux investisseurs, aux miroirs aux alouettes pour mieux protéger le territoire des grèbes huppés et des hérons cendrés pour le bénéfice de l’homme.

Pour en savoir plus :
- Office de tourisme de la région de Saint-Omer, tel. : 03 21 98 08 51. Site : www.tourisme-saintomer.com.
 

Petit lexique du marais

L'architecture typique en briques du marais @ André Degon
L'architecture typique en briques du marais @ André Degon

Escute : bateau à fond plat utilisé pour les déplacements de 5 à ,8 m de long.
Bacôve : embarcation de 9 m de long destinée à transporter marchandises et animaux.
Ruie : longue rame, sert à manœuvrer l’escute.
Lègre : langue de terre de 20 m de large sur 70 à 300 m de long, bordée de fossés.
Watergang : chemins d’eau, canaux.
 

Où séjourner, à voir autour du marais ?


- Tilques, Hôtel château Tilques,  03 21 88 99 99. Site :https://www.tilques.najeti.fr/
Bel établissement au milieu d’un parc arboré.  Chambres à partir de 103 euros.Une

Halte à midi au marais :

- A Houlle, Le rallye d’Artois,  31, route de Watten. Tel. : 03 21 93 12 82. Pour déguster la cuisine de Gérard Gseller. Menus de 23/29 euros à 35 euros.
www.rallyedartois.com .

- A Salperwick, Au bon accueil, 29, rue du Rivage Boitel. Tel. : 03 21 38 35 14. 
www.bonaccueil.info .  En toute simplicité, un grand classique, rendez-vous des amoureux du marais et des pêcheurs. Un estaminet situé au bord de l’eau qui loue également des barques et organise des balades sur le marais.

A voir autour du marais :

-  Saint-Omer : la cathédrale qui abrite un très beau buffet d’orgue du XVIIIe siècle réalisé par la famille Piette ainsi qu’un tableau de Rubens représentant la descente de croix. L’hôtel Sandelin (XVIIIe siècle), musée doté de trois grandes sections : histoire, beaux arts et céramique. Le quartier Saint-Sépulcre et le faubourg du Haut-Pont avec ses maisons de maraîchers alignées le long de l’Aa canalisée. La Grand-place dominée par l’hôtel de ville et animée tous les samedis matin par le marché, rendez-vous des maraîchers.
 
- Aire-sur-la-Lys : sur la Grand-place, un superbe bâtiment du XVe siècle, le baillage, corps de garde de la milice bourgeoise de la ville, exemple de l’architecture Renaissance flamande. Le beffroi (classé au patrimoine mondial de l’Unesco) et l’hôtel de ville reconstruit en 1713 après le retour de la ville à La France.
 
- Eperlecques : le plus grand blockhaus du nord de la France. Cet ouvrage datant de la fin de la deuxième guerre mondiale devait abriter un pas de tir de V2. Bombardé à plusieurs reprises, il ne fut jamais opérationnel. Tel. : 03 21 88 44 22.
https://www.leblockhaus.com/
 
- Houlle : la distillerie Persyn. Dernière distillerie artisanale de France de genièvre qui utilise les alambics à feu nus. 19, route de Watten. Tel. : 03 21 93 01 71.
https://www.genievredehoulle.com/
 
- Les brigades de l’Aa (musée), à Ouve-Wirquin, tel. : 06 20 75 23 55. Pour découvrir un trésor de véhicules de collection restaurés par Francis Dellerie et son association.

 
A Saint-Omer, la cathédrale qui abrite un très beau buffet d’orgue du XVIIIe siècle réalisé par la famille Piette ainsi qu’un tableau de Rubens représentant la descente de croix. Eperlecques, le plus grand blockhaus du nord de la France, - Aire-sur-la-Lys, sur la Grand-place, un superbe bâtiment du XVe siècle, le baillage, corps de garde de la milice bourgeoise de la ville @ André Degon
A Saint-Omer, la cathédrale qui abrite un très beau buffet d’orgue du XVIIIe siècle réalisé par la famille Piette ainsi qu’un tableau de Rubens représentant la descente de croix. Eperlecques, le plus grand blockhaus du nord de la France, - Aire-sur-la-Lys, sur la Grand-place, un superbe bâtiment du XVe siècle, le baillage, corps de garde de la milice bourgeoise de la ville @ André Degon

Les légumes vedettes du marais


Le Martinet
Petit, blanc crémeux, ce chou-fleur à la fleur moins serrée que celle des variétés hybrides habituelles a fait la renommée de Saint-Omer depuis le XIXe siècle. Tendre et riche en goût, il se cuit rapidement ou se déguste cru.
 
Le poireau Leblond
Cultivé tout l’hiver, résistant au gel, peu sensible aux maladies, le poireau Leblond est le « costaud » du marais. Du nom de son introducteur Yves Leblond qui l’apporta des Pays-Bas dans les années 30, ce poireau ne peut se récolter que manuellement à cause de son diamètre au-dessus de la moyenne. Tout se mange dans le Leblond aux grandes qualités gustatives.
 
L’artichaut Gros vert de Laon

Originaire de Laon dans l’Aisne, ce « dinosaure » des variétés potagères est plus rustique que ses cousins bretons et plus tardif. Son effeuillage facile rend la dégustation agréable. Son temps de cuisson rapide lui réserve la faveur des gourmets.
 
La carotte de Tilques
Très originale, cette carotte tardive, de longue conservation, ne ressemble à aucun type connu. De très gros calibre avec un feuillage frisant parfois le gigantisme, elle se consomme plus facilement cuite que crue.
 
L’endive de pleine terre

L’exploitation de l’endive appelée aussi chicon a commencé à se développer dans les années 30. Les racines de chicorée endive sont alors plantées entre les lignes de choux-fleurs puis forcées en pleine terre. L’élevage de cette endive qui n’a rien à voir avec celle qui est forcée en bac, hors terre, sous atmosphère contrôlée, ne représente plus que 5 % des surfaces cultivées.

 
L’artichaut Gros vert de Laon. Originaire de Laon dans l’Aisne, ce « dinosaure » des variétés potagères est plus rustique que ses cousins bretons et plus tardif. Le Martinet Petit, blanc crémeux, ce chou-fleur à la fleur moins serrée que celle des variétés hybrides habituelles a fait la renommée de Saint-Omer depuis le XIXe siècle @ André Degon
L’artichaut Gros vert de Laon. Originaire de Laon dans l’Aisne, ce « dinosaure » des variétés potagères est plus rustique que ses cousins bretons et plus tardif. Le Martinet Petit, blanc crémeux, ce chou-fleur à la fleur moins serrée que celle des variétés hybrides habituelles a fait la renommée de Saint-Omer depuis le XIXe siècle @ André Degon


19/07/2023
André Degon





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