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Reportage

Ethnotourisme en Araucanie, bienvenue chez les Mapuche !

La tradition orale des Mapuche, un peuple premier du Chili, intègre dialogue et transmission. Des communautés autochtones ouvrent ainsi leurs portes pour partager leur mode de vie, leur culture, leur philosophie... Bienvenue en Araucanie sur la côte Pacifique et dans la cordillère des Andes.

Par Claude Vautrin texte et photos



Le volcan et le lac Villarica @ Claude Vautrin
Le volcan et le lac Villarica @ Claude Vautrin
Un vol transatlantique France-Chili, un saut de puce de Santiago à Temuco, deux heures de voiture, quelques kilomètres de piste caillouteuse : la communauté Mapuche Palihue Pillan, « Là où les esprits s’amusent », m’ouvrent enfin les bras.

Carlos plus exactement. Pour m’inviter sans plus attendre à le suivre, les paumes ouvertes cette fois vers le ciel azur, la forêt cathédrale, et la… montagne du puma. Bienvenue dans l’autre monde ! La balade durera deux heures, passées à découvrir la flore, les arbres endémiques, le chant d’un oiseau, le son du rio Allipen, où se profilent d’agiles saumons, le bruissement du vent à la cime d’un arbre géant que survole un condor. Dialoguer et transmettre, tels sont les deux principes de vie des Mapuche, les « gens de la terre », en communion avec la nature, les esprits, les anciens et le ciel. Avec l’autre aussi, l’étranger, à condition bien sûr d’être à l’écoute, prêt au partage. Les sujets ne manquent pas. L’histoire tourmentée d’un peuple originel, ses luttes, ses légendes, une philosophie de vie, des réflexions sur les mutations du monde, la nature blessée… Carlos a beaucoup à dire, à entendre, à échanger. Tout l’intérêt d’un séjour à la Ruka Melilef, un haut-lieu d’accueil ethno-touristique qu’il gère avec Marta, son épouse, au cœur de sa communauté, à Melipeuco.
 

Maintenir vivant le territoire originel

A 700 km au sud de Santiago du Chili, en Araucanie, une des régions concentrant avec les régions Biobio et des Lacs, le plus grand nombre de communautés Mapuche du pays, ces dernières ont été longtemps condamnées à survivre dans des « réductions », des micro-réserves en somme, suite à l’occupation de leurs terres originelles par les grandes entreprises forestières notamment. Les années Pinochet n’ont rien arrangé. La situation économique et sociale est critique. Pas neutre qu’un exode massif de Mapuche se soit alors opéré vers les mégapoles chiliennes. Dans les années 2000 se développent, en réponse à la crise, des initiatives d’agro ou d’écotourisme mues surtout par la volonté affirmée des autochtones de maintenir vivant leur territoire originel, le Wallmapu.
 
1/Volcan Llaima et la bannière Vue de Melipeuco 2/Près des sources du Rio Bio Bio 3/Rituel d'accueil du soleil à la Ruka Melilef 4/ Rapce eu volcan LLaima @ Claude Vautrin
1/Volcan Llaima et la bannière Vue de Melipeuco 2/Près des sources du Rio Bio Bio 3/Rituel d'accueil du soleil à la Ruka Melilef 4/ Rapce eu volcan LLaima @ Claude Vautrin

Entre côte Pacifique et cordillère des Andes

L’Araucanie en est le cadre. Les attraits ne manquent pas. Entre la côte Pacifique, ses collines, ses lacs et ses lagunes, et la cordillère des Andes, les paysages, variés, sont de toute beauté. Forêts originelles d’altitude encore préservées, zones humides, hautes prairies andines, champs de laves, sommets arides et volcans enneigés, rivières poissonneuses, faune et flore d’exception, dont le fameux et protecteur Araucaria, la nature est reine. De quoi contrebalancer les plantations industrielles de pins et d’eucalyptus qui, en aval, ne cessent de s’étendre depuis la colonisation, malmènent le paysage et acidifient les sols. Le peuple Mapuche qui a su conserver sa langue, le mapudungun, ses traditions, ses coutumes, sa culture musicale, entre autres singularités, trouve dans ce nouveau rapport apaisé à l’autre qu’est l’ethnotourisme, matière à vivre de meilleurs lendemains.
 
1/ Parc national Conguillio Lago Conguillio 2/ L'été indien dans le Parc national Conguillio 3/ Saavedra Coucher de soleil sur la lagune et le Pacifique @ Claude Vautrin
1/ Parc national Conguillio Lago Conguillio 2/ L'été indien dans le Parc national Conguillio 3/ Saavedra Coucher de soleil sur la lagune et le Pacifique @ Claude Vautrin

Saavedra et le lac Budi

Sur la côte Pacifique, à Saavedra, à une heure et demie de route de Temuco, la capitale régionale, onze communautés de Lafkenche, un groupe ethnique de culture Mapuche vivant en bordure de mer, ont mis en place un projet de développement local autour du lac Budi, un système de lacs salés reliés à l’océan. Ces communautés s’organisent ainsi en réseau pour l’accueil, l’hébergement en ruka, l’habitat traditionnel, ou non, la valorisation de la gastronomie locale, l’offre de loisirs, d’animations… L’une va gérer la balade-découverte à cheval, une autre une virée en barque, la troisième proposera un repas traditionnel, pour terminer en une veillée organisée par la quatrième, au son des instruments traditionnels : le kultrun (percussion), la trutruka (trompe), la pifilca (flûte). A chaque jour, son plaisir intense ! Convivial et instructif à souhait ! La découverte s’enrichit de la présence d’une riche faune sauvage à observer dans les jonchaies inondées, dont une centaine d’espèces d’oiseaux parmi lesquels des cygnes à cou noir. A Puerto Dominguez, la Ruka Lafken Leufu reconstitue les coutumes et traditions mapuche. Quant à Puerto Saavedra, la petite cité balnéaire, à l’embouchure du Rio Imperial, une balade s’impose au coucher du soleil sur la plage de sable noir, non sans une incursion à la Casa del Telar, la Maison du métier à tisser, temple de l’artisanat Mapuche.
 
1/ Puerto Saavedra 2/ Saavedra Laftkenche, peuple de pêcheurs 3/ Puerto Dominguez @ Claude Vautrin
1/ Puerto Saavedra 2/ Saavedra Laftkenche, peuple de pêcheurs 3/ Puerto Dominguez @ Claude Vautrin

Participer aux travaux de la communauté

L’essentiel en fait réside avant tout en une plongée dans le quotidien des hôtes d’un jour, d’une semaine, davantage, pourquoi pas ? Ce serait même heureux ! Car le voyage n’est ni utopie, ni chimère. Sans artifice, ni faux-semblant en somme ! Quoi de mieux pour cela que de mettre la main à la pâte. A Palihue Pillan, Marta et Carlos y invitent : corvées de bois, pluches des légumes fraîchement cueillis dans le potager, vaisselles au passage. Participer ainsi aux travaux de la ruka, où un poêle central distille sa bonne chaleur, donne à coup sûr l’opportunité de découvrir d’autres pièces-maîtresses d’un mode de vie séculaire : la recette de la chicha par exemple, cette boisson fermentée traditionnelle à base de coings, de pommes du verger, ou de maïs…violet, l’apprentissage de quelques mots de mapudungun, ou encore le partage d’une légende éclairante, au détour d’une conversation. « A la genèse du monde, une lutte titanesque oppose Ten Ten, le serpent de la montagne, et Caï Caï, un autre reptile tout aussi puissant, dominant les eaux et figurant le mal. Quatre survivants se tirent d’affaire : deux couples, les aînés, Fücha et Kuse, et les jeunes, Ullcha et Weche. Leur mission ? Peupler la terre. Aux premiers revient la charge d’alimenter en connaissances et en savoir leurs descendants. Les seconds donneront, eux, la vie ». Hommes et femmes, jeunes et aînés, en toute égalité ! Plus tard, imaginaire et réalité font cause commune. Un cercle de parole, où « s’équilibrent ces forces, ces énergies complémentaires, principe unique d’où émane la création », est convié au sein de la communauté pour tenter de résoudre un problème, et échanger avec l’étranger que je suis. Ponctués de coups de trompe, de rires, de concentration soudaine, le dialogue s’enchaîne, se libère plutôt, trouve des réponses aux questionnements. Instant miroir reflétant les dérives ou les désirs de nos propres sociétés !
 
 
1/ La Trutruka ou trompe en action 2/ Préparation de la chicha 3/ Ruka Melilef @ Claude Vautrin
1/ La Trutruka ou trompe en action 2/ Préparation de la chicha 3/ Ruka Melilef @ Claude Vautrin

En communion avec la nature

Bienveillance, connaissances, énergie et intégrité sont les gages de la dignité d’un Mapuche qui réfute toute domination sur autrui, les autres êtres vivants, la terre, le cosmos, et les respecte au plus haut point. En une humilité bien comprise, en lien sans doute avec les splendeurs sauvages qui l’environnent. La province de Cautin dont dépend Melipeuco en regorge. Pas innocent qu’elle abrite sur son territoire une partie du Géoparc mondial UNESCO Kütralkura et pas moins de trois parcs nationaux : Conguillio, Villarica et Huerquehue. A quelques encablures de Melipeuco, le parc Conguillio répond à toutes les attentes. Une randonnée sur le sentier Sierra Nevada offre des points de vue grandioses sur le lac Conguillio aux eaux d’un bleu turquoise, et le sommet enneigé du volcan Llaïma, maître des lieux. Une contemplation à peine troublée par l’ouvrage consciencieux d’un pic de Magellan. Plus accessibles aux familles sont le sentier Las Vertientes au cœur des roches volcaniques, ou encore la découverte de la lagune Arcoiris (arc-en-ciel), où une forêt engloutie à la suite d’une éruption volcanique tente de résister au temps. Saisissant ! Comme l’est la majesté des Araucarias.
 
 
1/ Roches de lave dans le Conguillio 2/ L'araucaria roi 3/ Parc National Conguillio Serra Nevada 4/ Sur le chemin de la Sierra Nevada au Parc Conguillio 5/ Vue sur le volcan Llaima 6/ En communion avec la cascade de Taitaiko Melipeuco 7/ Parc national Conguillio La lagune Arcoiris @ Claude Vautrin
1/ Roches de lave dans le Conguillio 2/ L'araucaria roi 3/ Parc National Conguillio Serra Nevada 4/ Sur le chemin de la Sierra Nevada au Parc Conguillio 5/ Vue sur le volcan Llaima 6/ En communion avec la cascade de Taitaiko Melipeuco 7/ Parc national Conguillio La lagune Arcoiris @ Claude Vautrin

Une lecture éclairée des paysages

La beauté cache parfois une histoire plus sombre. Sur la route de montagne filant vers Icalma et son lac, aux couleurs d’automne, Marta invite à une halte mémorielle. D’immenses araucarias abritèrent et nourrirent ici des communautés en fuite, au plus fort de la Pacification de l’Araucanie (1861/1883), la conquête meurtrière des terres Mapuche par les colons. Au sol des grumes blanchies par le temps matérialisent ce souvenir collectif douloureux. Sans Marta, le touriste passerait, sans conscience. A quelques kilomètres de l’entrée du parc Conguillio, Pedro Zapata, l’aubergiste mapuche, désigne, en pestant, l’emplacement d’un ancien cimetière communautaire, rayé de la carte pour implanter de nouvelles plantations forestières. En aval, la magnifique cascade sacrée Truful-Truful, haut-lieu de l’écotourisme local, vient d’être sauvée, elle, d’un projet hydroélectrique. Discrète, une statue rituélique de bois sculpté veille sous des arbustes dûment choisis. Une telle lecture éclairée des paysages, comme d’un de ces mystérieux détails, facilite la compréhension de la société Mapuche, de ses croyances, de sa spiritualité. Découvrir n’est-il pas se délecter du visible et côtoyer l’invisible ?
 
1/ Le Pichilaïma 2/ La cascade Truful Truful à Melipeuco 3/ Sculpture rituélique à la cascade Truful Truful 4/ En souvenir des massacres de la Pacification de l'Araucanie. Col d'Icalma 5/ Le lac Icalma @ Claude Vautrin
1/ Le Pichilaïma 2/ La cascade Truful Truful à Melipeuco 3/ Sculpture rituélique à la cascade Truful Truful 4/ En souvenir des massacres de la Pacification de l'Araucanie. Col d'Icalma 5/ Le lac Icalma @ Claude Vautrin

Les thermes de Molulco !

On se perdra ainsi avec le même bonheur, un peu plus au sud, sur le sentier des lacs du Parc national Huerquehue, sur les rives du lac Villarica dominés par le volcan du même nom, ou, plus modestement dans un de ces thermes rustiques aux eaux chaudes dont l’Araucanie a le secret. Via une longue piste de terre, direction Molulco, hameau perdu au cœur d’un vallon sous la surveillance d’une ligne de crêtes peuplée d’Araucarias. « Les grands-mères curieuses » veillent avec tendresse sur leurs protégés de toujours : les humains, pumas, condors et autres abeilles sauvages… Il ne reste plus qu’à engager le dialogue avec un arbre géant, sur la berge du Pichilaïma, aux eaux sauvages. C’est sûr, cette fois le message Mapuche a été parfaitement intégré.  
 
Plus d’infos
https://www.chile.travel/en/
 
1/ Thermes rustiques de Molulco 2/ Sur la crête, les araucarias, les grands mères curieuses 3/ Vue des Thermes de Molulco @ Claude Vautrin
1/ Thermes rustiques de Molulco 2/ Sur la crête, les araucarias, les grands mères curieuses 3/ Vue des Thermes de Molulco @ Claude Vautrin

Y aller

Air France, Latam Airlines… proposent des vols pour Temuco, avec escale à Santiago du Chili (ou plus). La monnaie locale est le peso chilien. La CB est acceptée en ville dans la majorité des commerces, hôtels et restaurants. Prévoir du liquide dans les lieux les plus reculés, notamment au sein des communautés Mapuche. Passeport en cours de validité valable pour la durée du séjour.

Location d’une voiture à l’aéroport de Temuco. Ou bus à partir de Temuco. Environ 2h jusqu’à Melipeuco avec Narbus Tél +56 45 240 7718 -
https://www.narbus.cl/  ou Bus Arauca Tél +56 93 636 3732
1h20 de Temuco à Puerto Saavedra sur la côte Pacifique (Cie Narbus, TranSantin ou Pullmantour)

 
Communauté Palihe Pillian à Melipeuco @ Claude Vautrin
Communauté Palihe Pillian à Melipeuco @ Claude Vautrin

Visiter

Musée archéologique de Cunco
Avenue Santa Maria 12, Cunco
Présentation d’éléments de la vie quotidienne des colons et du peuple mapuche de la région, une trentaine de communautés
 
Le Géoparc mondial UNESCO Kütralkura
Situé à l'est de Temuco, le long de la frontière de la République d'Argentine, le Géoparc couvre une superficie de 12 000 km2. Il abrite plusieurs communautés autochtones Mapuche-Pewenche et de nombreux écosystèmes de toute beauté. 

https://www.kutralkura.cl/
https://en.unesco.org/global-geoparks/k%C3%BCtralkura
 
Thermes de Molulco et de Balboa
Sources chaudes dans le périmètre du Géoparc mondial :
S-539, près du hameau de Molulco, Melipeuco.
Voie d’accès sinueuse, piste en terre en partie. Naturel en diable.
 
Parc national Conguillio
Ouverture du mardi au dimanche de 8h30 à 18h Entrée jusqu’à 14h. On peut réserver son billet sur le site
https://www.pasesparques.cl/ . Pièce d’identité nécessaire.
Pendant la saison estivale, le parc propose des ventes de nourriture, des locations de kayaks et de bateaux, de chalets, des emplacements de camping et des aires de pique-nique. Ouvert jusqu'à la mi-automne en fonction des conditions météorologiques. Pour les réservations de camping et de chalet, contact :
reservas@sendasconguillio.cl . Nombreuses possibilités de randonnées.
 
Parc national Huerquehue
Mêmes horaires d’ouverture qu’à Conguillio. Recommandée, la randonnée via le sentier des lacs (12 kms aller-retour et 730 mètres de dénivelé avec lacs, cascades, panoramas superbes sur le volcan Villarica. Accompagnateur conseillé via Ermitaño Expediciones +56 971210109
contact@ermitanoexpediciones.com à Pucon.
 
 
L'été indien dans le Parc national Conguillio @ Claude Vautrin
L'été indien dans le Parc national Conguillio @ Claude Vautrin

Se restaurer

Restaurant, bar, Ruta al Conguillio. Gastronomie Mapuche. Bière artisanale. De 13h à 21h du mardi au dimanche.

Cabanes et itinéraires guidés, tous réalisés par une famille mapuche. Dix kilomètres avant l’entrée du Parc National Conguillio, Melipeuco,
Tél +56 9 9740 4832 -
#RutaalConguillio  
 
Séjours
Ruka Melilief Hospedaje Palihue Pillan Melipeuco
Depuis Temuco, prendre la route S-51 vers Cunco, continuer en direction de Melipeuco jusqu'au Km 75. A l'indication "Termas de Balboa" tourner à droite, traverser le pont Medina. Après le pont, tourner vers la droite et suivre la piste sur 2 km
Tél +56 9 7219 0232
 
Lago Budi Sur la côte Pacifique
Environ 1h30 en voiture depuis l’aéroport de Temuco jusqu’à Llaguepulli Lago Budi. Le réseau du Lago Budi rassemble onze communautés mapuche-lafkenche, disséminées autour du lac.

www.lagobudi.cl  
 
Ruka Melilef @ Claude Vautrin
Ruka Melilef @ Claude Vautrin


17/03/2024
Claude Vautrin





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